
Constructions prédicatives

Remarques

Le verbe
voir est riche en types de complément prédicatif. Sa richesse est comparable à celle du verbe
faire.

La voix pronominale est compatible avec tous les types de complément prédicatif. Voir les exemples.

Les types de complément prédicatif du verbe
voir et les facettes sémantiques du verbe
voir se combinent aisément. Par exemple, dans les deux propositions
il se voyait toujours capitaine de vaisseau et
mardi, notre petite cité d'Yonville s'est vue le théâtre d'une expérience chirurgicale (Flaubert), le type de complément prédicatif est le même (un nom), mais dans la première,
se voir exprime l'imagination, tandis que dans la seconde,
se voir est un quasi-synonyme de
être ou de
se trouver. De même, dans
il la voit belle et pure,
voir exprime l'imagination ou le jugement, tandis que dans
vous m'en voyez ravi,
vous me voyez est vide de sens et peut être remplacé par
je suis.

La construction prédicative est compatible avec la construction passive et, en particulier, avec la construction factitive passive :
il me faisait voir tout gris, ennuyeux et vieux.

Adjectif, participe passé
C'est le type de complément prédicatif le plus complexe et le plus fréquent. Nous subdivisons son examen selon les facettes sémantiques du verbe voir.

Perception, signification de base
voir annoncé que
voir écrit que
voir écrit « fermé »
il voit placardé sur les murs une affiche qui
Voir vide de sens, quasi-synonyme de
être - actif
vous m'en voyez ravi
vous m'en voyez navré
vous m'en voyez tout ému
vous m'en voyez tout interdit
vous m'en voyez tout épouvanté
Voir vide de sens, quasi-synonyme de
être - réfléchi
se voir amputé d'une jambe
se voir obligé de faire
se voir contraint de faire
se voir interdit de séjour
se voir menacé
Souvent il n'y a qu'une légère différence d'aspect entre le participe paseé et l'infinitif passif simple : se voir interdit / se voir interdire.

Imagination
elle se voyait déjà célèbre
elle se voyait riche, vêtue des plus belles robes

Jugement
elle le voit beau et élégant
il la voit belle et pure
il me faisait voir tout gris, ennuyeux et vieux
il se vit à tel point égaré qu'il en fut presque amusé (Alain-Fournier)
je le vois un peu pâle de l'émotion
le voir actif / courageux / jaloux
le voir tel qu'il est

Être témoin
elle s'était vu forcée, pour vivre, de vendre ses quatre meubles (Zola)
il a vu sa visite annulée
il avait hâte de voir le travail terminé
il se vit dépassé par une dame assez épaisse (Morand)
il voit reconnu son droit à la liberté personnelle
il voyait ses efforts infructueux
ils ont vu leurs pneus crevés, leur rétroviseurs arrachés
j'ai vu ton père bâtonné par les laquais
j'étais ravie de me voir, pour la première fois de ma vie, bien habillée
j'en ai assez de me voir conspué par des lâches sans nom
je me voyais si mal enceinte avec le corps mince et dur que j'avais
on n'a jamais vu réélue une majorité qui
sous l'Occupation il vit son œuvre interdite
voir des regards fixés sur soi
voir ses allumettes épuisées, la chandelle éteinte
voir son heure venue
voir tous ses amis mariés
voir une affaire manquée
voir une offre agréée
voir une opinion tournée en ridicule
Il y a une zone d'ombre entre le complément prédicatif du verbe
voir ayant la lecture
être témoin et la subordonnée infinitive de passivation périphrastique directe. On vient de voir l'exemple
j'en ai assez de me voir conspué par des lâches sans nom, dans lequel
voir a la lecture de
être témoin et
conspué est un participe passé servant de complément prédicatif. Tel un coup de baguette magique, le simple changement de graphie
conspué
conspuer transforme cette proposition en un exemple de la passivation périphrastique directe :
j'en ai assez de me voir conspuer par des lâches sans nom

Prédication, quasi-prédication, réduction
Dans la proposition
pour la première fois, je l'ai vue toute petite, le complément prédicatif
toute petite peut être paraphrasé comme
quand elle était toute petite. Si
toute petite était corrélé avec le sujet (par exemple dans
elle m'a toujours souri, même toute petite), il serait considéré comme un exemple de la quasi-prédication ou de la réduction. Voir l'examen de la quasi-prédication à la page connexe
Le complément prédicatif - la quasi-prédication. Voir l'examen de la réduction prédicative à la page connexe
Les subordonnées réduites - la réduction prédicative.

Construction pronomino-passive
la forêt se voit pourpre et dorée (on peut voir la forêt)

Nom
on voit bien Pierre président
je l'ai vu enfant
la grande cause dont je me voyais le chef et l'arbitre
il se voyait toujours capitaine de vaisseau
mardi, notre petite cité d'Yonville s'est vue le théâtre d'une expérience chirurgicale (Flaubert)
il est ivre de bonheur de se voir PDG

Adverbe de manière
on le voit ainsi
comment voyez-vous l'avenir ?

Adverbe de lieu
je voudrais le voir à cent lieues d'ici
je voudrais bien te voir à ma place
elle se voyait déjà sur les planches
je me vois toujours sur ses genoux
Avec et
sans de possession
je l'ai presque toujours vue avec un livre
je ne l'ai jamais vue sans chapeau

Expression prépositionnelle exprimant un état
le voir à l'œuvre
le voir dans la peine
le voir dans un état anormal
le voir en colère
le voir hors de lui
le voir en costume d'académicien
je me vois dans la triste obligation de
ma mère, se voyant près de son terme, voulut revenir à Paris
je le verrais bien dans ce rôle

[
en * adjectif]
mon imagination me fait voir les choses en trop beau ou en trop laid

[
comme * nom]
le voir comme un ami
voir sa vie comme un désastre
la voir comme l'instrument de son malheur

Participe présent
je voyais Pierre arrivant
je le verrais bien enseignant
je le vois mal vivant en banlieue
je ne me vois pas corrigeant des copies le reste de ma vie
si tu te voyais criant ces mots
Le participe présent comme complément prédicatif est limité au verbe voir (et plus rarement à quelques autres verbes de perception). Le participe présent peut presque toujours être remplacé par l'infinitif :
je le vois mal vivant en banlieue
je le vois mal vivre en banlieue
Il est donc légitime de considérer le participe présent prédicatif comme une subordonnée de perception, au même titre que l'infinitif.

Subordonnée objet direct interrogative
vous avez vu comment ils sont habillés ?
je ne vois pas comment ils auraient pu gagner
je ne vois pas ce que vous voulez dire
on voit mal comment
je vois ce que tu veux dire
je ne vois pas qui tu veux dire
tu vois où elle veut en venir ?
je ne vois pas où est le problème
je verrai ce que je peux faire
je ne vois pas de quoi vous voulez parler
je vois combien tu as raison
voyez comme il est gentil
par ces remarques on ne voit pas assez ce que c'est que le roman
on venait voir si vous n'aviez pas besoin d'un coup de main
va voir s'il y a quelqu'un
c'est à vous de voir si
voyons si tu as compris
je vois de quoi vous voulez parler

Constructions pronominales

Voix pronominale réfléchie
Voir plus haut l'examen de la subordonnée infinitive de perception et l'examen des constructions prédicatives.

Voix pronominale réciproque

Signification de base
on ne se voyait pas l'un l'autre
est-ce qu'on pourrait se voir un autre jour ?

Se détester
ils ne peuvent pas se voir

Réciprocité indirecte (dative)
se voir la figure
se voir le blanc des yeux
La grammaticalité de ces exemples est inattendue. Le datif portant sur les parties du corps n'est permis avec la voix active du verbe voir que si le regard est indiscret :
*il lui voit la figure
*il lui voit le blanc des yeux
il lui voit les fesses

Voix pronominale pronomino-passive

Être remarqué, attirer l'attention, être évident
ça se voit à l'œil nu
ça se voit du premier coup d'œil
dans l'endroit le plus apparent du salon se voyait un portrait
il est très intelligent, ça se voit
la poussière se voit tout de suite
la tache ne se voit pas
le château se voit de loin

Exister, se produire.
ça ne s'est jamais vu
ce fut peut-être la plus grande bataille qui se soit jamais vue
cela ne se voit pas tous les jours
cela s'est vu dans tous les siècles
cela se voit tous les jours
des préjugés qui se voient encore dans certaines sociétés
jamais il ne s'en est vu de pareils
une attitude qui ne se voit que trop fréquemment
Voici et
voilà - objet direct = subordonnée de perception

Subordonnée fléchie sans inversion
voilà qu'il neige
voilà qu'il se met à pleuvoir
voilà que Pierre est libre
voilà que la nuit tombe
voilà que le mur s'écroule tout à coup
voilà que le soleil se lève

Subordonnée fléchie avec inversion subordinative générique
voici enfin que se fait entendre une voix beaucoup plus autorisée
voilà déjà que sonnent trois heures
voilà que commence le défilé des troupes
voilà que de toutes parts s'offrent les victimes (France)
voilà que s'affrontent deux puissances
voilà que soudain éclate un orage
voilà que tombe la nuit
Ne pas confondre les constructions du type voici qu'il vient et du type le voici qui vient (dont nous avons parlé plus haut).

Subordonnée infinitive active
les voici partir pour la chasse
voici commencer les campagnes primaires
voici commencer une nouvelle époque
voici venir le printemps
voici venir le roi
voici venir le temps où vibrant sur sa tige chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir (Baudelaire)
voici venir les temps où
voici, de la maison, sortir un Salavin épineux et glacé (Duhamel)
Le sujet de la subordonnée peut être conjoint ou disjoint. Le sujet conjoint précède voilà.
Voici une singularité dans le comportement verbal de voici et voilà. Le verbe de perception voir admet les deux ordres de mots nous voyons venir le roi et nous voyons le roi venir, mais voici et voilà n'admettent que la première solution : voici venir le roi. On ne dit pas *voici le roi venir.

Subordonnée infinitive passive
voilà parler
voici parler une sagesse
voici penser français
Voici et
voilà - mise en relief
Voici et voilà s'emploient dans deux méthodes de mise en relief.

Méthode A - mise en relief par introducteurs
ceux à qui nous ne pensons plus, voilà les vrais cadavres
le hasard, voilà la clé de l'évolution
le hasard, là est la clé de l'évolution
aimer, prier, chanter, voilà toute ma vie (Vigny)
la peur, voilà la véritable cause de sa réticence
Le nom à gauche est le sujet-rhème et le nom à droite est le prédicat-thème. Cette anomalie est due au verbe voilà. En remplaçant voilà par est ou sont, nous récupérons la structure informationnelle neutre : sujet-thème à guche, prédicat-rhème à droite. Voilà thématise le prédicat et rhématise le sujet, Voilà opère une inversion de la structure informationnelle de la proposition.

Méthode B - mise en relief par inversion
c'est là que gît la différence =
voilà où gît la différence
c'est là que vous pourriez nous rendre service =
voilà où vous pourriez nous rendre service
c'est de là que vient cet usage =
voilà d'où vient cet usage
c'est de cela qu'il est capable =
voilà de quoi il est capable
Dans chaque paire d'exemples, le premier élément est un exemple banal de la mise en relief par introducteurs : rhème à gauche de que, thème à droite de que.
Dans le deuxième élément de chaque paire, voilà est suivi d'une subordonnée relative autonome. Le pronom relatif autonome où peut être paraphrasé comme l'endroit où, quand peut être paraphrasé comme le moment où, de quoi peut être paraphrasé comme la chose dont. D'autre part, voilà peut être paraphrasé comme est ici ou est ceci. En appliquant les deux paraphrases simultanément, on obtient des propositions telles que l'endroit où gît la différence est ici. Thème = l'endroit où gît la différence, rhème = ici. C'est une mise en relief par inversion.